Actualité

Lettre ouverte à Sophie Wilmes

Communiqué de la Fondation Henri La Fontaine
Lettre ouverte à Mme Sophie Wilmès,
Vice-Première ministre et ministre des Affaires étrangères, des Affaires européennes et du Commerce extérieur, et des Institutions culturelles fédérales

 

Madame la Vice-Première ministre,

En 1920, Henri La Fontaine, Prix Nobel belge de la Paix (1913), concluait, au nom de notre pays, son intervention lors de la première session de l’Assemblé générale de la Société des Nations en affirmant : « Le seul problème, c’est d’avoir la volonté de faire cesser ce drame épouvantable. Et prenez garde. Si nous ne savons pas faire cet effort, ce sera un opprobre sur notre Assemblée et sur la Société des Nations. (…) de l’audace, Messieurs, encore de l’audace, toujours de l’audace ! »

Plus d’un siècle plus tard, force est de constater que notre monde manque cruellement d’audace.

Le conflit largement médiatisé entre l’Occident et la Fédération de Russie, à grand renfort de propagandes appuyées par des mises en scène savamment orchestrées de dispositifs militaires, semble démontrer que le dialogue international est devenu quasi impossible. L’Organisation des Nations Unies est inaudible et c’est l’OTAN, étroitement cornaquée par les USA, qui mène le bal et déforme la réalité des menaces pesant sur la paix. Or, l’histoire nous le rappelle, depuis des années l’OTAN masse des troupes et des armes aux frontières de la Fédération de Russie provoquant, plus récemment, les réactions fortes de Moscou. Les Etats-Unis n’avaient-ils pas promis, lors de la réunification allemande, de ne pas étendre l’OTAN à l’Est ?

Pourquoi, alors qu’après la chute de l’U.R.S.S. le Pacte de Varsovie fut dissous, n’en fut-il pas de même pour l’OTAN qui, en principe, perdait sa raison d’être ? C’est ainsi qu’on a vu l’OTAN appuyer les déstabilisations d’Etats du Proche et du Moyen-Orient, décidées par les Etats-Unis.

Cette politique de tensions permet de justifier le surdéveloppement des dépenses militaires (on se souvient des rodomontades du président Donald Trump face aux membres européens de l’OTAN, sommés d’augmenter les dépenses militaires avec, à la clef, l’achat de matériel militaire, américain de préférence. C’est ainsi que, pour l’achat de ses nouveaux avions de combat, la Belgique a choisi les F-35 américains au détriment des constructeurs européens. Et cela parce qu’il fallait que la Belgique s’aligne sur la politique d’armement nucléaire des Etats-Unis alors que cela n’a jamais été décidé démocratiquement chez nous.

Quoiqu’on pense du régime russe et de l’attitude autocratique du président Vladimir Poutine, il est temps de réfléchir sérieusement, et loin des blocs d’influence, au monde que nous voulons. La solution ne peut se trouver, comme le défendait Henri La Fontaine, que dans la construction d’un vrai multilatéralisme. En Europe, si absente ou si alignée, misons sur l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe et surtout revenons aux Nations Unies en mettant en œuvre les articles 46 et 47 de sa Charte qui prévoit la création d’un état-major auprès du Conseil de sécurité. Quant à l’OTAN, puisque sa dissolution n’a pas été programmée, il est temps de la réformer et de lui redonner un sens défensif (et non offensif) intégrant pourquoi pas et sous une forme à déterminer la Fédération de Russie. Enfin, il est urgent que la Belgique signe le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires des Nations Unies (TIAN) afin de participer plus activement à l’élimination de la menace nucléaire dans le monde.

Madame la Vice-Première ministre, la Belgique a toujours su, au fil de son histoire, donner au monde des éclairages forts et apporter des solutions novatrices. Ainsi, Pierre Harmel fut un exemple pour notre diplomatie belge qui s’est illustrée en pleine guerre froide en contribuant à l’élaboration des Accords d’Helsinki. Quant à Louis Michel, il a su, avec grand talent, gérer des relations apaisées avec l’Afrique et imposer la voix de la raison au sein de grandes conférences onusiennes, notamment à Durban.

La vision d’Henri La Fontaine et de Paul Otlet, créateurs du Mundaneum, était la paix entre les peuples par les échanges de savoir. Ce pacifisme éclairé par l’intelligence et la connaissance devrait être un repère pour nos représentants politiques.

Madame la Vice-Première ministre, nous vous demandons de porter ce message dans toutes les enceintes où vous siégez, car, comme concluait Henri La Fontaine, « le seul problème, c’est d’avoir la volonté ».

Je vous en remercie.

Daniel Sotiaux,

Président de la Fondation Henri La Fontaine